“La maturité de l'homme : c'est retrouver le sérieux qu'on avait au jeu quand on était enfant.” Friedrich Nietzsche
Note : J’ai mis longtemps à écrire ce billet mais comme j’ai promis à Perrine Braux, qui prépare un billet sur la santé au féminin, j’arrête de me plaindre et on commence.
J’ai reçu plusieurs appels d’hommes de ma famille me demandant un traitement par testostérone : - “Pour remplacer celle qui est en baisse car je manque de peps”.
D’où vient cette idée ? Le TRT ( traitement de remplacement en testostérone ) porte de nombreuses promesses pour l’homme vieillissant et un tas d’inconvénients. Il nous arrive avec des années de retard mais c’est déjà un énorme succès mondial.
Qui ne rêve pas d’un produit naturel qui ferait tourner nos horloges biologiques à l’envers ? Retrouver la fougue d’une jeunesse passée, tout en gardant son expérience ? Ça ne vous rappelle pas un châtelain de Transylvanie ?
Ce vieux fantasme a fait la fortune du “bon” Dr Voronoff qui greffait des testicules de singe au gratin mondain dans les années 1920. Ses intuitions étaient fausses et pourtant ce désir reste profondément ancré.

A quoi sert la testostérone ?
Elle joue un grand nombre de fonctions chez l’homme et la femme et agit tout au long de la vie, sous le contrôle des centres dans le cerveau, qui adaptent la production aux besoins.
Ses fonctions les mieux connues :
Aide au maintien d’une masse musculaire et osseuse au dépens de la masse grasse, on la dit anabolisante : elle construit et renforce.
Favorise certains comportements : désir sexuel, motivation, confiance, parfois agressivité. Jouant un rôle social dans les dynamiques de dominance et pouvoir.
Aide à produire des cellules du sang, fait pousser certains poils et parfois tomber d’autres, produit du sébum ...
C’est quoi la normale ?
La fourchette “normale” est très large et la moyenne dépend de l’âge
Son dosage n’est pas reproductible car la production est pulsatile. En quelques heures, on passe de 8 à 2 ng/mL (soit 28 à 7 nmol/L ) …
La partie vraiment “active”, non liée aux protéines de transport, est également très variable et nécessite d’autres dosages…
Comment normaliser ce que l’on a du mal à définir comme anormal ?
Il faudra utiliser des critères subjectifs, peu quantifiables et non spécifiques ( fatigue, baisse de désir ou de concentration… ) en priant pour ne pas se tromper comme Voronoff et voir une efficacité là où il n’y a que du placebo.
Risques et inconvénients d’un TRT trop dosé et/ou prolongé :
Augmentation de l’épaisseur des parois du coeur, expliquant la surmortalité chez les culturistes
Anxiété, agressivité, rage et pensées négatives
Perte accélérée des cheveux, voire seins qui poussent
Atrophie des testicules, infertilité et parfois une perte irréversible de la production de testostérone, obligeant à poursuivre un traitement à vie
Boutons
Désir sexuel fluctuant : envahissant initialement puis supprimé à distance de la prise
“Tout est poison, rien n'est poison : c'est la dose qui fait le poison.” - Paracelse
Si vous en prenez trop, vous effacez les bénéfices attendus avec plein de problèmes nouveaux. Si vous en prenez longtemps, vous devenez dépendant car vous n’en produirez plus. Tout est question de dosage, mais nous avons vu que c’est difficile à doser.
La testostérone diminue avec l’âge. Est-ce normal ?
Peut-être qu’il y a plusieurs phases dans la vie et qu’il faut en produire un peu moins en vieillissant. Ralentir la compétition pour la survie et la reproduction pour se concentrer sur la transmission. Cette baisse est adaptée et peut-être souhaitable, même si l’ego nous dit le contraire.
Ce qui parait ahurissant c'est la baisse constante des taux de testostérone dans toutes les tranches d’âge, y compris chez les jeunes. Avec une baisse de 1% par an, vous voyez que rapidement, ça va mal se passer.
L’âge a bon dos
- “Ça fait pas du bien de vieillir, docteur”. J’entends cela à longueur de journée. Ça parait irréfutable. Ce facteur qui nous échappe, nous enlève le besoin de chercher une meilleure explication. Le vieillissement me paraissait un lent naufrage inévitable, mais je me trompais car certains gardent leur vigueur de jeunesse et d’autres la récupèrent en changeant peu de choses. Je vois maintenant ce récit comme une prophétie auto-réalisatrice, qui nous éloigne de l’action.
On mérite mieux !
Des hommes de 40/50 ans qui consultent pour manque de désir, d’énergie ou de motivation, il y en a plein. On pourrait être tenté par un TRT vite-fait. Ça peut d’ailleurs améliorer leur confort, transitoirement.
C’est long et complexe de réaliser une enquête exhaustive sur les facteurs favorisant cette baisse et proposer des changements. C’est pourquoi ce n’est pas proposé, en pratique. Même si votre interlocuteur est formé et de bonne volonté ( j’en connais ); a-t-il vraiment le temps ? Pour chaque ligne, ci-dessous, il faut plus d’une heure de discussion pour commencer. C’est pas grave, ces idées sont en ligne maintenant !
Comment est votre niveau de stress, d’anxiété, de dépression ?
Avez-vous des carences nutritionnelles fréquentes ( Fer, Oméga 3, Protéines, Iode, Zinc, Magnésium, Vit D… ) Avez-vous une alimentation riche en nutriments, avec des vrais aliments ? Vous laissez-vous “guider” par des nutriscores 🤡 qui donnent des bonnes notes au Chocapic ?
Avez-vous fait la chasse aux perturbateurs endocriniens et aux pesticides ?
Êtes-vous physiquement actif dans ces différentes dimensions ? Station debout, marche, endurance, force, haute intensité….
La fragilité musculo-squelettique préoccupante des séniors, aussi, nous soumet aux tentations de prescrire sans réfléchir. C’est un échec assuré sans les apports suffisants en protéines, une activité physique inhabituelle et un temps de récupération long. C’est souvent inutile et parfois nuisible.
On mérite mieux !
On mérite un effort sérieux pour conserver les attributs de la jeunesse ( vieillir en pleine forme ), en modifiant nos croyances.
On mérite de ne pas s’interdire mais prescrire de la testostérone avec retenue, chez des hommes informés, pour d’abord ne pas nuire.
💡 La baisse de la testostérone est souvent un signe de mauvaise santé globale. La supplémentation ne nous dispense pas d’une recherche sérieuse des raisons de cette baisse.
Nous n’avons pas eu le temps de traiter, mais nous y reviendrons :
Pourquoi la baisse de la fertilité et donc le vieillissement des populations est probablement une impasse pour l’espèce.
Y a-t-il une crise de la masculinité en occident ?
Pour finir en beauté, l’Adagietto concentre toutes nos émotions. Merci Gustav.
À toi Perrine.
Félicitations Docteur pour votre article,il est à la fois informatif et captivant et vous arrivez toujours à rendre le sujet accessible,tout en apportant des informations très pertinentes.
Bravo pour ce travail !
Article très intéressant
Merci