“Toute douleur qui n'aide personne est absurde” - Malraux
Merci à Delphine, son récit introduit une nouvelle série.
Tous les ans, la presse nous bassine avec une nouveauté : bio, baie de Goji, graines de chia, sans lactose, curcuma, fermenté, vegan, cru, riche en fibres, aliments alcalinisants, mono-diète, super-aliment, sans gluten… Que vont-ils encore inventer ? Pour le sans gluten ça dure depuis longtemps. Il y a un an, je me disais que ça n’avait aucun sens. Aujourd’hui, ma cuisine est pleine d’aliments sans gluten. Mais je n'ai pas succombé au marketing d’une nouvelle mode.
J’ai mal, maman
Ma fille a 7 ans quand je prends conscience qu’elle est trop petite. Elle a souvent mal. À la cheville, aux genoux, mais aussi à la tête et au ventre. Ça gonfle dès qu’elle mange. Ça va, ça vient. Elle n’a pas pu danser plusieurs fois alors qu’elle adore ça. Fait-elle du cinéma pour ne pas aller à l’école ? 🤔
Un jour, aux urgences, ils ont trouvé de l’inflammation. -“Probablement une entorse”. Elle est repartie avec un plâtre mais ça n’allait pas mieux. Ça me bouleverse de m’en souvenir.
Sa courbe de croissance empire et nous finissons chez la pédiatre. Après un bilan à l’hôpital, on m’appelle : -“Vous avez vu les résultats? Les carences en fer, en vitamines, en hormones et les anticorps à 4500 ? C’est une maladie cœliaque.”
J’ai été un peu rassurée, car en théorie il suffit d’arrêter le gluten. Mais ce fichu gluten est absolument partout ! Il faut être en permanence vigilant et lire toutes les étiquettes car chaque plat, chaque préparation, chaque sauce est suspecte. Le gluten est dans le blé, le seigle et l’orge donc dans le pain, les viennoiseries, les gâteaux. Il sert aussi d’additif pour l’industrie : moutardes, bouillons, levure, sucre glace, sauce soja et j’en passe.
Si elle en mange un tout petit peu, les problèmes reviendront car cette maladie détruit les cellules de son intestin en présence de gluten.
Delphine a pu mettre des mots en face des troubles de sa fille. Pour ceux qui ne cochent pas toutes les cases d’une maladie bien définie, leur douleur reste comme un point d’interrogation. Occupons-nous maintenant de ces orphelins du diagnostic.
Pourquoi j’ai mal au ventre ?
Une question sincère mérite une réponse honnête.
La voici : On ne sait pas bien, on imagine. Les cas particuliers sont légion.
Liste d’avis d’experts : C’est une modification des micro organismes ( dysbiose ), c’est que ça fermente et ça dégaze ( FODMAP et SIBO ), c’est la manifestation d’une souffrance psychologique ( somatisation ), c’est pour faire partie d’un groupe ou attirer l’attention ( mode ), c’est l’hyper-perméabilité intestinale, c’est l’alimentation industrielle et leurs produits ultra-transformés, c’est une intolérance alimentaire, c’est allergique, c’est auto-immun, c’est les lectines, c’est émotionnel ( stress ), c’est la pollution, c’est idiopathique ( on ne sait pas ), c’est un intestin irritable ( tautologie ), c’est tout ça à la fois mais surtout c’est dans votre tête ( Si on comprend mal, on a tendance à nier ou banaliser la souffrance. C’est vilain et assez mal vécu par celui qui cherche de l’aide ).
Cette liste mélange allègrement causes, conséquences, facteurs aggravants, intuitions et fantaisies.
Il est facile de généraliser et de nous éloigner d’une conversation utile. Une image vaut mille mots, alors je vous la dessine à l’aide d’une parabole :
La parabole de la cité
Vous êtes citoyen d’une ancienne cité-état qui vit en harmonie avec ses voisins.
Nos frontières assurent un double rôle de protection et d’échanges : des hauts murs protègent la ville avec une armée de soldats mais des portes s’ouvrent pour commercer, sous le contrôle de gardes intransigeants et bienveillants.
Nos voisins profitent de la bonne santé de la cité et nous le rendent bien en produisant des denrées précieuses et en aidant à garder nos frontières.
Notre charte du commerce est validée par l’épreuve du temps. Tous travaillent en bonne entente dans l’interêt commun.
Depuis peu, rien ne va plus.
Une nouvelle guilde de marchands, faisant fi des règles, crée la zizanie avec une surproduction de produits addictifs et toxiques, à prix bradés. Nos voisins sont partis, remplacés par des brigands opportunistes. La population manque de produits essentiels. Des copies des clés de la ville ont ouvert en grand nos portes. La garde débordée, se rebelle et met le feu aux remparts aggravant le problème. Ça tire de tous côtés faisant de nombreuses victimes innocentes. Les émeutes s’étendent au coeur de la cité, on entend les clameurs d’une population à bout…
Que faire ?
Comment avancer ?
“Monsieur et madame Térieur ont deux fils. Comment s’appellent-ils ?
Alain et Alex” - Yoga d’ Emmanuel Carrère
Je vois souvent des personnes perdues qui ont mal au ventre. On fait quoi après l’avis du généraliste et du spécialiste ? Si le bilan, bien conduit, ne montre rien de précis ? Un traitement pour atténuer l’inconfort avec les doigts croisés dans le dos pour que ça rentre dans l’ordre ?
Il n’y a pas de pilule magique pour rétablir l’équilibre, on se doit de refermer les portes et revenir aux lois qui assuraient la paix. Avoir une frontière bien définie avec des échanges régulés en interrompant l’approvisionnement des produits dangereux.
On rêve de trouver le composé qui explique tout. Mais les tests d’intolérance à prix d’or sont peu fiables. Quand les portes sont grand-ouvertes, on produit des anticorps contre toutes sortes d’aliments, sans qu’ils soient la cause de l’effraction.
Ces causes sont multiples mais il ne faut pas désespérer.
Il vous reste une arme puissante : les régimes d’exclusion. Exclure le superflu puis ré-introduire 1 aliment à la fois. C’est long et pénible mais parfois salutaire. Je pense qu’on a le droit d’essayer ( en évitant les carences ).
C’est rarement proposé car essentiel et superflu sont difficiles à définir et les professionnels n’arrivent pas à se mettre d’accord. Beaucoup considèrent ces approches trop extrêmes. Nous sommes tous parasités par nos croyances.
Quelle alimentation très restreinte, est aussi riche en énergie qu’en nutriments, ne fermente pas et est facilement digérée ? Que mangeait l’homme moderne pendant 300 mille ans avant la révolution agricole ? Cours d’anthropologie du Collège de France. ( Spoiler-alert : c’est pas du Boulghour ) 🍖
Cette proposition, inacceptable pour certains, est parfois acceptée par ceux qui ont mal depuis longtemps. Un billet sur notre désamour pour les aliments d’origine animale est en gestation.
💡 Quand on a mal et que personne ne trouve une solution, on a le droit d’expérimenter avec son alimentation pour essayer d’aller mieux.
On mérite mieux !
On mérite un peu d’empathie face à la souffrance et du courage pour dire : -“Je ne sais pas pourquoi vous avez mal”.
On mérite de chercher, parfois soi-même, des réponses en utilisant une méthode basée sur le doute et l’expérimentation. ( démarche scientifique )
On mérite que cette douleur nous aide à découvrir quelque chose d’utile à propos de nous mêmes et de notre alimentation qui a tant changé.
On mérite de nous laisser guider par l’amour pour nos enfants qui est une boussole précieuse. Je leur dédie ce billet.
Pour finir en beauté, une musique parfumée à la Rose, elle se reconnaitra.
Ressources :
Pourquoi le gluten et la béta-caséine A1 (lait de certaines vaches) sont les suspects habituels ?
Un travail important pour le traitement des hyper-perméabilités par l’alimentation.
Un papier récent sur 10 patients avec des maladies graves (MICI) traités par des “régimes extrêmes” en dernier recours et en en rémission. (vidéo de l’auteur)
Encore un sujet merveilleusement traité, merci pour cette profondeur d'analyse et son approche on ne peut plus inédite. J'aurais envie d'évoquer ces deux notions d'"instinct" et de "rencontre", évoquer cet "instinct" animal qui doucement s'est estompé avec l'évolution des civilisations et qui fait que nous n'allons peut-être plus suffisamment spontanément vers un aliment ou un autre mais qu'inconsciemment nous répondons à des injonctions de tous horizons ( commerciale, santé, mode, culture, religion...) jusqu'à rythmer nos repas sur l'organisation d'un agenda ou des règles de vie alors que nous pourrions et peut-être devrions "manger" lorsque la faim nous gagne, partager aussi cette notion de rencontre entre un aliment et un organisme, se dire qu'une rencontre peut être positive comme au contraire ne pas l'être chez l'un ou chez l'autre. Plusieurs fois je me suis posée la question d'un "pourquoi" j'avais des envies d'amandes ou de persil là maintenant jusqu'à ce que je réalise que leurs vertus venaient chez moi corriger une carence à l'instant T... et si tout simplement nous laissions faire cette rencontre et nos instincts ... il suffit d'observer la nature pour en comprendre l'essence et le sens...
Un grand merci aussi pour cette ouverture en culture musicale... Solomon et son "can I call you Rose"... un vrai régal ...
Non ce n'est pas du boulghour!
J'expérimente l'alimentation cétogène depuis avril et comme par magie tout mal de ventre inflammation de l'intestin, reflux gastrique etc...ont disparus...alors je continue