En allant voir le nouveau Nutriscore je me suis rappelé son ancêtre rigolo. Vous vous rappelez de la folie du compte des calories et des produits bizarres nés de cette manie ? Comment est-on arrivé là ? …
Nos outils nous enferment :
"Pour celui qui n'a qu'un marteau, tout ressemble à un clou." - Abraham Maslow
Ce n’est pas parce que l’on sait mesurer les calories dans les aliments que c’est utile et qu’il faut s’en servir pour conseiller le public.
Méfions-nous de l’influence des technologies sur notre façon de voir le monde. Si on n’est pas conscient, on devient incapable de penser en dehors du cadre établi par nos merveilleux outils. C’est un piège.
L’étiquetage des produits alimentaires est bien tombé dedans.
“Quand une mesure devient un objectif, elle cesse d'être une bonne mesure”, elle devient sujette à des manipulations directes ( trucage ) ou indirectes ( travailler uniquement à améliorer cette mesure ) = produits hypocaloriques bricolés pour avoir une bonne note sans égard pour leurs effets sur la santé des consommateurs.
La thermodynamique est un enfant de la révolution industrielle
Au 19ème siècle le monde scientifique était intéressé par la chaleur : Comment se propage-t’elle ? Selon quelles lois ? L’unité CALORIE est utilisée en 1820 à propos de machines à vapeur. C’est la quantité d'énergie pour élever la température d’un gramme d’eau liquide de 1°C.
Des machines nouvelles permettent de mesurer ces échanges. Des chambres spéciales calculent la chaleur dégagée par les organismes. On brûlait toute sorte d’aliments jusqu’aux cendres pour mesurer l’énergie stockée.
Le compte de calories est devenue une passion très humaine.
L’origine du mythe calories-in, calories-out :
Des génies du marketing ont profité des lois de conservation de l’énergie pour créer un slogan facile à retenir qui dédouane Bigfood des conséquences de leurs expérimentations.
L’idée paraît d’un bon sens indéniable : Pour chaque calorie qui rentre, il faut qu’une calorie sorte. Si vous mangez des aliments riches en énergie, vous stockez et il faut ensuite “brûler” ces calories pour compenser.
La tautologie ( proposition qui est toujours vraie mais qui n’explique rien ) percutante Manger, Bouger est affichée partout et vous fait croire que c’est de votre faute ( glouton + feignant ).
Ensuite, ce mantra trompeur sera répété partout avec mépris : -”Mais mon bon monsieur, vous ne pouvez pas lutter contre une loi fondamentale de la physique !”
Il y a cependant un problème fondamental :
On comprend intuitivement qu’une “calorie” de saumon n’est pas du tout la même chose qu’une “calorie” de cookies dans le corps. Elles n’ont pas les mêmes densités en nutriments, d’impact sur la faim, d’effets hormonaux et métaboliques. Cette façon bornée de voir les aliments ne dit rien sur leurs qualités pour la santé et est donc peu pertinente.
Ce qui compte ce sont les calories, car c’est uniquement cela que l’on savait compter. On s’est laissé enfermer. Il est temps de se libérer.
On ne “brûle” pas les calories
Quand on perd du poids, on le perd par un long processus, qui transforme des molécules en CO2 et H2O. Au passage l’énergie est transférée vers d’autres molécules et libérée sous forme de chaleur.
Cette énergie n’a pas de poids. Pesez 1 flacon étanche d’eau tiède. Puis attendez qu’elle refroidisse et pesez encore. Il n’y a pas de perte de poids, mais il y a eu une perte de calories… Magie ?
Non, les photons qui transmettent ces infrarouges n’ont pas de masse, mais ont une énergie.
Ce sont les hormones qui décident :
J’ai vu un culturiste carnivore manger 11 mil calories et perdre du poids. Cette avalanche de calories était utilisée, dissipée et non stockée. Alors que certains n’arrivent pas à maigrir en mangeant des salades, malgré une activité soutenue.
Pourquoi ?
Un déficit chronique effondre le métabolisme basal ( la consommation d’énergie de base peut passer de 1800 à 800 calories/jour ). Froid, faim et fatigue : voici à quoi est condamné celui qui s’engage dans cette impasse ( coucou weightwatchers ).
Ce ne sont pas les calories qui décident, mais les HORMONES. Une réponse hormonale complexe va choisir le devenir de ces calories dans l’organisme et l’hormone pivot c’est l’INSULINE.
Les autres sont : adrénaline, cortisol, testostérone, adiponectines, T4, sécretines, glucagon, ghréline, IGF1 … Toutes ont un effet direct ou indirect sur le métabolisme des graisses : On utilise ? On stocke ?
Une impasse qui conduit à une autre impasse
Cette obsession à réduire les calories est une des raisons de la diabolisation des graisses alimentaires qui sont deux fois plus caloriques que les sucres ( deux fois plus d’énergie par bouchée ). On a donc imaginé qu’en les remplaçant, dans les recettes industrielles, on rendrait service.
Ça n’a pas, vraiment pas, marché !

En épidémiologie l’absence d’association a bien plus de poids qu’une association faible ( absence d’association entre la consommation de graisses saturées depuis 1800 et les maladies métaboliques ).
Depuis que l’on a commencé à conseiller les gens sur ce qui est bon de manger les indicateurs de santé des populations se sont dégradés de manière dramatique. Pourtant on continue. Le Nutriscore aura plusieurs billets pour briser ses pieds d’argile ( faible en graisses, faible en sucre, faible en sel, riches en fibres ).
On récapitule
On ne mange pas de calories , ni de macro-nutriments mais des aliments.
C’est impossible de compter des calories précisément et c’est inutile.
Toutes les calories sont différentes et ne se valent pas.
Les calories n’ont pas de poids, elles ne se brûlent pas et ne devraient pas être utilisées pour guider le consommateur.
Ce qui compte c’est l’effet hormonal puis les effet en cascade d’un bol alimentaire.
Diaboliser le gras a aggravé le problème.
On mérite mieux !
💡 Les apports en énergie sont naturellement bien régulés pourvu que l’alimentation soit sans transformations majeures et riches en nutriments ( ancestrale ). Quand ils ne le sont pas, il y a une meilleure explication ( elle arrive ).
Je n’ai pas oublié le billet sur le lait. Il est sur le feu et je le surveille.
Pour finir en musique une folie d’été.
Toujours pertinent , à rebours de bien des idées reçues et partagées, le docteur livre une approche originale de notre réel !
J’attends la suite avec impatience…
Merci docteur, on a joué la facilité. Viser les calories était plus facile que de débrouiller les actions complexes des hormones.