"Pour surmonter quelque chose de terrible, il arrive parfois que vous deviez marcher dans la douleur, et pas essayer de l'éviter." Michelle Knight
Il y a certaines expériences dont on ne parle pas, mais qui parlent pour nous.
Ce sont des expériences qui prennent racine en nous, bien au de-là du moment.
Le traumatisme n’est pas l’expérience mais les conséquences pérennes de l’expérience:
sur les corps
les esprits
les choix futurs
les capacités à résister
Il ne suffit pas que l’expérience soit violente et brutale, il faut aussi une incapacité, une inaptitude à comprendre, analyser et donner un sens à ce qui s’est passé. Ça explique son pic d’incidence chez les enfants.
Dans l’immédiat cela génère une sidération ( stupeur ) et parfois une dissociation ( dédoublement avec mise à distance du corps ). Pour pouvoir continuer d’avancer il faut enfermer toute cette négativité dans une boîte, tenter d’ignorer ce qui s’est passé et parfois aller jusqu’à nier les faits ou même les “oublier”.
La douleur est si intense que l’évitement semble être la seule réponse adaptée.
Ce refoulement ( mise sous le tapis ) est une stratégie de survie mais jamais une résolution car la boîte n’est pas étanche.
Glücksgefühle II par drømsjel
Le traumatisme refoulé ressurgit de manière inattendue, rendant la vie et les interactions particulièrement difficiles pour ces personnes. Ceci rend compte de nombre de comportements jugés inadaptés ou inacceptables.
Pourquoi sa vie amoureuse est-t’elle si chaotique ?
Pourquoi n’arrive t’il pas à traiter son addiction ?
Pourquoi voit-il le monde d’une façon toujours négative ?
Pourquoi n’arrive t-il pas à être un père ou une mère aimant(e) ?
Pourquoi se comporte t-il si mal avec les autres et surtout avec lui même ?
Pourquoi est-il aux aguets et semble avoir peur de tout ?
Si vous cherchez le trauma, vous le verrez car il est partout.
En médecine on le devine, on le reçoit parfois dans le secret du cabinet. Il était là cette semaine, chez cette patiente déprimée. -”Vous savez docteur, j’ai eu une vie très dure, je me suis accrochée pour mes enfants”. Le traumatisme “consulte” pour des symptômes divers, avec souvent un auto-sabotage par des mécanismes de défense.
Bien des échecs de la prise en charge avaient les mêmes caractéristiques : derrière l’impossibilité à changer il y avait l‘addiction et la dépression et derrière ces deux là il y avait le traumatisme. Tant que l’on ne remontait pas jusqu’à la source, point de solution. C’est l’un des freins fréquents au travail que l’on essaye d’accomplir ici.
Comment s’en sortir ? Comment aller mieux ?
Comment utiliser le négatif pour faire du positif ? Les thérapeutes ont un joli mot pour ça : la sublimation.
Il semblerait qu’il n’y ait pas de voie facile. L’addiction, qui est une tentative maladroite de soulager la souffrance, finit toujours par rajouter du malheur au malheur.
Revivre et affronter semble être la seule alternative, mais il faut s’armer pour le voyage.
S’armer de courage et d’un guide.
Cette dernière étape est difficile à mettre en mouvement. Vous y êtes parfois poussés par des forces mystérieuses, si vous avez la chance d’être en vie car la dépression et les tentatives de suicide sont malheureusement fréquentes.
Tim Ferris, Ed Frenkel et Gabor Maté m'ont chacun, à leur manière, aidé à comprendre un peu mieux tout cela. Merci à eux pour leur témoignage.
Parfois dans les familles où le traumatisme n’est pas résolu il se trouve transmis aux générations suivantes, on le dit alors transgénérationnel.
Marcher dans la douleur: Par RJ Palmer (@arvalis) avec Midjourney
On mérite mieux !
On mérite de prendre conscience de l’ampleur du phénomène.
On mérite de savoir que l’on est pas seuls.
On mérite de comprendre que ce n’est pas normal ce qui nous est arrivé et que ce n’est pas de notre faute.
On mérite d’avoir de l’aide pour y faire face.
On mérite une résolution du trauma pour nous et pour nos proches, une reconnexion avec nous mêmes, pour aller mieux.
💡 Des thérapeutes sont à l’oeuvre pour nous tenir la main et nous aider à marcher dans la douleur pour y trouver un sens et sublimer le traumatisme.
Parfois dans cette lettre on aborde des sujets difficiles mais c’est toujours fait avec amour.
En attendant le matin par Nevin Johnson
Une musique sublime finit cette lettre: "Vedrò con mio diletto" -Jakub Józef Orliński
Ressources:
Il existe une unité de Psychotrauma à La Réunion avec un numéro vert.
Exemples de prise en charge:
EMDR : Technique de désensibilisation par mouvements oculaires, Somatic Experiencing de Peter Levine, Thérapie post-induction (PIT) et co-dependence de Pia Mellody, La Thérapie d’Acceptation et d’Engagement de Hayes, Strosahl & Wilson, Psychodrame, Brainspotting, Ego state thérapie : Thérapie de Etats du Moi, La Psychothérapie Sensorimotrice, Thérapies Comportementales et Cognitives, La thérapie de groupe, Thérapie aidées par du MDMA (interdit encore en France), Thérapies chamaniques avec ayahuasca au Pérou (interdit encore en France).
Attention: Je ne fais la promotion d’aucune technique et je ne saurai juger de leur efficacité. Mon interprétation est que il n’y aura pas de prise en charge bonne pour tous. L’essentiel est de trouver un professionnel bienveillant qui s’intéresse vraiment au trauma pour vous conseiller et vous accompagner.
Exemples de thérapeutes :
Un beau documentaire sur le travail de Gabor Maté (Canada), et ci-dessous un petit résumé en images avec sous-titres en français :
Vidéo de Jack Kornfield (USA) avec son approche orientale (sous titres traduits en français sur le site de youtube à activer) :
Merci pour cette lettre que je lis avec grand intérêt
Merci Docteur pour cette lettre touchante et bienveillante. Je regrette juste que dans les thérapies d'aide que vous avez cité ne se trouvent pas la réflexologie et la sonothérapie. Ce sont deux outils extraordinaires dans les traitements de trauma. Belle journée à vous.